Qu’est ce qu’un biologiste médical ?
Chers collègues,
Nous vous proposons un petit texte vous expliquant la problématique concernant le fonctionnement des laboratoires et les perspectives (pas toujours réjouissantes pour eux) et pour notre profession par voie de conséquence par la suite :
Qu’est ce qu’un biologiste médical ?
C’est un pharmacien ou médecin qui après 5 à 6 années d’étude se spécialise encore durant 4 années en biologie médicale
Le biologiste participe à plus de 70% des diagnostics médicaux et c’est lui qui concourre:
- aux diagnostics en hématologie (leucémie par exemple)
- au dépistage du diabète
- en bactériologie et virologie (il aide à la prescription d’antibiotiques par le médecin pour éviter que les bactéries développe des résistances par exemple)
- il fait les diagnostics de paludisme
- les bilans préopératoire,
- le suivi de chimiothérapie
- participant au diagnostic de certains cancer
Il a un rôle épidémiologique en tant que sentinelle du système de santé pour éviter les scandales tel que celui des graines germées en Allemagne avec E. coli …
En France le maillage territorial des laboratoires est exemplaire et envié dans le monde entier. A l’heure où l’on parle de déserts médicaux et d’accès aux soins, les biologistes médicaux sont présents et remplissent leur rôle. Evidemment, ce système de qualité est onéreux… Mais pas plus que le système Allemand ou les USA.
Pour exemple, le système de santé coûte 3934 dollars/pers/an en France (OMS 2009) contre 4139 en Allemagne et 7410 aux USA (système privé avec nombreux intermédiares qui “croquent” sur la santé notamment via les assurances privées…). En termes de qualité nous étions 1er dans le dernier classement de l’OMS alors que l’Allemagne était 25ème et les USA 37ème entre le Costa Rica et la Slovénie … Nous avons perdu un peu en qualité depuis mais nous restons dans les 5 premiers système de santé au monde en termes de qualité.
Pour revenir sur le sujet qui nous concerne ici, les biologistes connaissent bien le dossier du projet Macron puisque contrairement à d’autres professions liberales, nous sommes déjà entrain de vivre (subir…) une restructuration en profondeur depuis quelques années :
- Industrialisation et concentration du secteur
- Financiarisation et ouverture du capital
- Fonctionnement en plateau technique en ce qui concerne les analyses specialisées avec économies d’échelle
- Sites périphériques souvent dépourvus d’automates analyseurs, augmentant les délais de rendu de resultats, notamment urgents
- Normes asphyxiantes et chronophages, pas toujours adaptées à la pratique médicale
Mais malgré cette restructuration, il y a toujours un biologiste diplômé derrière chaque résultat qui valide et interprète le bilan dans sa globalité et c’est ça la qualité ! De plus les biologistes sont majoritaires dans leurs laboratoires et ont une certaines (avec des pincettes car largement pas vrai partout…Exemple du scandaleux statut de TNS ultraminoritaire) independance d’exercice. Par contre il y a un véritable désamour de la spécialité par les jeunes médecins depuis la réforme sur la “médicalisation” de la profession puisque le dernier poste de bio a été choisi à la 2885ème place lors de l’internat en 2008 et en 2013 c’était à la 7490ème place… Et cette année des postes sont vacants…
Actuellement, qu’est ce que propose le projet Macron sur la “croissance et pouvoir d’achat” ?
- Ouverture massive du capital des laboratoires aux non biologistes, d’expérience majoritairement des financiers
- Publicité possible comme pour tout service commercial
- Suppression de toute règles prudentielles anti monopolistiques sur l’implantation des laboratoires
- Ristournes possibles sur les analyses avec les assurances privées ce qui transforme un acte médical, la réalisation d’analyses, en marchandises commerciales.
è Globalement transformation d’une spécialité médicale en service commercial
Exemple précis de ce qui va se produire :
- Demande de ristournes par une assurance privée à différents laboratoires (avec pourquoi pas une remise sur le tariff sécu et pas uniquement la part complémentaire)
- Contrat avec le laboratoire ayant le meilleur tarif : prime aux gros
- Envoi de la patientièle (clientèle…) à un labo dans lequel le remboursement sera total (ceux qui proposent la plus grosse remise aux assurances en question)
Conséquence :
- Destruction du maillage territorial et des laboratoires de proximité et donc affaiblissement de l’ensemble de la médecine de proximité dont le biologiste est l’une des chevilles ouvrières.
- Destruction parallèle des laboratoires hospitaliers avec envoi des analyses aux 2-3 grands opérateurs nationaux suite aux remises faites par les acteurs privés à l’hôpital
- Déqualification du biologiste
- Augmentation du délais de rendu de résultats urgents d’où une perte de qualité et une perte de chance pour le patient
- Perte du dialogue clinico –biologique et du lien avec nos confrères pharmaciens, médecins et infirmier
- Chômage de nos jeunes (et moins jeunes) confrères en plus du personnel
=> Création de monopoles contre lesquels l’état n’aura plus son mot à dire, ni sur les tarifs ni sur la qualité et ce seront les patients (du moins les plus fragiles économiquement), en bout de chaine, qui en pâtiront.
Ce ne sera plus un désamour de la profession mais la spécialité médicale elle meme n’existera plus et sera transformée en service commercial.
Ce ne sera plus 1,5 milliards d’euros (cotisation des francais à la Sécu) qui iront dans la poche d’un golden boy (chinois, américain ou autre) et qui représente les 30% de bio financière en France mais ce sera bien 4,5 milliards. Ce n’est pas de cette manière que l’on résoudra le problem du déficit, sans parler de la problématique de “qualité” ou de désert médical…
Ce que l’on nous propose là c’est un système de santé plus cher, moins bon et plus dangereux.
C’est pourquoi les biologistes se mobilisent auprès de leurs confrères et le 30/09 n’était que le coup d’envoi du mécontentement qui gronde.
En ce qui concerne les conséquences possibles à court-moyen terme pour les infirmiers libéraux :
- Achat par les financiers de cabinets d'infirmiers libéraux avec salariat d'une partie des infirmiers libéraux.
- Si refus de vente, émergence de sites de laboratoires avec concurrence des infirmiers libéraux installés : émergence facilitée par le fait qu'un biologiste n'est plus nécessaire sur le site, que les règles prudentielles d'installation d'un site disparaissent, que les autorisations seront plus faciles à obtenir et que la puissance financière d'investissement est accrue.
- Augmentation du temps passé par les infirmiers à la mise en place de l'accréditation selon la norme ISO 15 189 avec travail administratif, traçabilité et protocoles renforcés via la mise en place de grands réseaux nationaux de laboratoires salariant les infirmiers.